Belvédère


BELVÉDÈRE

Dans la bonbonnière
La Nouvelle Babylone
Miniature sur Manouna Orti
La Croix du Sud
Belvédère
Tombeau
Pergolas *


Piano : Juliette Quinet, sauf * Frédéric Lagnau
Flûte et chant : Claire Simonin
Composition, guitare, chant : Michel Gaillard

© Magis Optis, 1971-1986.


La Nouvelle Babylone


Maintenant, j'annonce la délivrance, après avoir longtemps cherché l'issue en un étrange souterrain et un silence lisse. L'esprit, que charme l'inanité sereine, ignore un changement qui s'effectue en lui et, tandis que je sombre dans l'ivresse, je m'égare sur le chemin de la poterne.

Soudain l'instable vide échappe et la pure route s'y infiltre. J'avance, inconsciemment, je ne la touche. Mes yeux se sont ouverts si loin, qu'intime aveu, le vent révèle palpable l'âme d'un monde délaissé là — citadelle comme vidée du temps.

La courbe fend sans cri la cité. De ma vue plongeante, je passe au-dessus. On voit des murs laiteux comme des pertes, mais, dans le ciel, il n'y a rien qu'un même instant n'oublie en lui. Les boutiques se mêlent aux nuages et des soleils miroitent dans les vitres. J'ai traversé des terrains vagues familiers baignant dans un léger nuage parfumé. La mer flottait en paix sous la lumière. Usant avidement d'une vision nouvelle, j'entame la côte aux routes ébréchées, le long d'anciens rivages recréés là, où rêvent des jardins suspendus.

Appesantie de galets chauds comme du lait, une ville, alors, mais presque... inachevée. J'avance, inconsciemment, je ne la touche. Des gens descendent le flanc ardu où croît l'aigu buisson ardent. On retrouve l'amie égarée là, et des soleils miroitent dans les vagues.

Le front de mer s'ensable aussi. L'amie s'efface en rires tristes. Passeur opiniâtre, je ne pense pas : j'étouffe les regrets dans un râle subit et j'entame la côte aux routes ébréchées, le long des souvenirs, et la corniche commence par instant à s'assombrir. Alors, la nuit s'engouffre en moi, et tout se change autour de moi en un étrange souterrain et un silence lisse. L'esprit, que charme l'inanité sereine, ignore un changement qui s'effectue en lui. L'univers se referme, à nouveau vide.

Sous l'ombre de la croix, je me réveille.