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LA CHEVELURE




La nuit s'est établie dans un présent sacré.

Des sensations de soie parcourent mes deux mains qui peignent tes longs cheveux souples et fluides, étirent et abandonnent à leurs flots naturels des lignes qui reviennent aussitôt onduler sur ton dos.

Ma tâche est définie, mais la question de ses limites ne fut pas abordée, aussi mes doigts, parfois, viennent frôler ta peau, si douce, incroyablement douce ; ils effleurent le cou, les tempes et les oreilles, furtivement, et par mégarde... l'on veut croire.

Quel est ton jugement en cet instant, toi qui offres en silence ta chevelure altière à des mains si profanes et timides ? Debout derrière toi, je ne peux lire ni sur tes yeux ni sur tes lèvres. C'est dans l'abandon de ta nuque que je dois déchiffrer des signes.

Par moments, quand je contemple le tendre et docile balancement de ta tête sous le reflux de la brosse ou du peigne, je me sens prendre par des lames si profondes et puissantes que je louvoie pour éviter de chavirer et dériver jusqu'au visage, aux épaules et au corps, où je redoute d'échouer!


C'est ainsi que tu joues à laisser croire à mon pouvoir, alors que tout — boucles, parfums, reflets dorés — m'engloutit dans tes ondes.

Sûre du champ de ton empire, pendant que ton amant te coiffe, toi, tu regardes devant toi, nonchalamment, vers la fenêtre où le bleu nuit s'approfondit.