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Épilogue

SUR L'ÎLE



Ma douce amie,

 

Seul un léger rideau de voile fin, qui flotte, me sépare de la nuit, la tiède nuit. La baie vitrée est grande ouverte. Les pales du ventilateur ronronnent doucement.

Hier et aujourd'hui quelques averses sont tombées, qui n'ont pas réussi à rafraîchir la terre. Ni le ciel, qui reste lourd et chaud. Ici on pourrait vivre nu.

 

Sur l'île il n'est venu personne depuis bien longtemps. Le dernier des cargos m'avait porté des nouvelles de toi, du monde : à force d'être lues, je les connais par cœur. Le monde s'est figé aux dates des journaux et de tes lettres.

L'hôtel ne cesse de se délabrer au fil du temps. Les balustrades, les balcons de bois, la véranda : tout a beaucoup souffert. Comment des voyageurs pourraient-ils désirer encore... faire escale ici, dans ces débris, cette décrépitude ?

Je me délabre aussi, sans doute. Mais les miroirs ternissent et je n'arrive guère à percevoir même un reflet de mon visage.

Je passe mon temps à t'écrire. Des lettres qui s'entassent depuis des années. J'attends : peut-être un jour, qui sait — si le tracé de l'île et son nom sur les cartes existent encore —, un cargo reviendra, ici, et les prendra.

Ou même, si j'ai le courage et l'énergie, je laisserai l'hôtel (puisque, comme j'ai dit, il ne vient plus jamais personne), et le cargo m'emportera aussi vers toi, là-bas...

 

D'ailleurs, c'est la dernière lettre que j'écris avant de te revoir. Car, mon amie, ma plume a capturé l'ultime goutte d'encre que je pose ici, et que je tire encore : pour ces quelques mots.

Pour dire que je pense à toi, que tu me manques.